La température de l’information

VU, Québec, 2023

FR

L’installation met en scène un dispositif (fictif) de traitement de données obsolètes. Elle est structurée par du mobilier de classement à paliers variables et par des plateformes munies de roulettes. Des objets (Livres, photographies, moulages de plâtre) reposent dans des bacs de plexiglas remplis de solutions d’eau salée mélangée à d’autres sels et des encres. Au fil de l’évaporation, ces solutions imbibent les objets, le plâtre et le papier pour créer de nouvelles formes par des processus de cristallisation, de précipitations et de sédimentation. Les objets soumis à ces processus sont le fruit de récoltes (papiers recyclés, livres usagés, publications diverses) et de moulages en plâtres (piles de papier, disques compacts, bobines de ruban magnétique, diapositives). En plus de ces représentations archétypales, l’ensemble est ponctué de photographies provenant d’une collection de tirages argentiques achetée sur eBay. L’aspect génératif du dispositif est important. Les éléments créés et rassemblés dans l’installation se transforment tout au long de la période d’exposition. Même après l’évaporation complète de l’eau dans les bacs, les processus de cristallisation se poursuivent si bien que d’une journée à l’autre l’exposition prend une tout autre allure. Certains matériaux ainsi dégradés sont replongés dans la solution saline et filtrés dans de grands cônes fibreux évoquant un processus de distillation de la matière-information. Avec «La température de l’information», je m’intéresse à la masse croissante d’informations non actives que l’on garde néanmoins en mémoire. Ce regard plus large sur les enjeux de la sauvegarde de données est exploré par une approche poétique de la forme et de la matière. Dans l’économie de l’entreposage de données, on utilise les expressions «hot data» et «cold data» pour qualifier la potentialité qu’une information soit consultée et utilisée après sa création et son usage initial. L’image couramment employée est celle de l’iceberg dont la partie visible représente l’information «chaude» à usage courant et la plus grande partie, celle qui est immergée, les données «froides» non actives. On peut s’imaginer le «cold data» comme une masse inerte en voie de fossilisation (ce qui n’est pas complètement faux), mais il faut aussi voir cette infinité de données comme une matière première (une marchandise) dont peuvent se nourrir les systèmes intelligents dont les capacités d’apprentissage sont tributaires de la quantité d’informations qu’ils peuvent traiter.

Ce projet a été réalisé grâce au soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec.